Les 100 premiers jours d’un CEO sous LBO
Le nombre de sociétés détenues par des acteurs du capital-investissement ne cesse de croître en Europe comme partout dans le monde, et avec lui, naturellement, le nombre de CEOs sous LBO, qu’ils arrivent au moment de l’entrée d’un ou de plusieurs fonds d’investissement au capital de l’entreprise ou qu’ils occupent déjà ce poste auparavant. A la tête d’une entreprise déjà performante et dotée d’un fort potentiel de croissance ou d’une entreprise en difficulté dont il faut rapidement améliorer la performance, à l’image d’un dirigeant politique, les 100 premiers jours de leur mandat sous LBO sont décisifs. C’est en effet au cours de cette période que se donne la bonne orientation et que se constitue le potentiel futur de l’entreprise.
Le prérequis ? Le CEO, le conseil d’administration et le fonds doivent être parfaitement alignés sur la stratégie et les objectifs de l’entreprise et plus précisément sur la feuille de route de création de valeur telle qu’elle aura commencé à être définie au cours des travaux de due diligences. Finalité première, la création de valeur ne saurait être seulement au profit des actionnaires mais aussi de toutes les parties prenantes de l’entreprise, notamment collaborateurs et clients. Et une valeur créée qui ne doit pas être qu’économique. Prenant désormais en compte les paramètres sociaux, sociétaux et environnementaux, celle-ci dépasse la stricte performance financière.
Côté tempo, bien que les actionnaires investissent généralement sur une durée significative (3-7 ans), la libération de valeur(s) d’une entreprise sous LBO reste attendue relativement rapidement. Pas de place donc pour un plan stratégique timidement élaboré pendant plusieurs mois après de trop longues semaines de consultation et de concertation. L’objectif de création de valeur se vise dès le premier jour même si les changements les plus profonds seront nécessairement plus longs. Le temps est tout à la fois l’allié et l’ennemi des entreprises sous LBO.
Les fondamentaux
Le CEO commencera par reprendre tous les fondamentaux commerciaux et opérationnels de l’entreprise. Pour cela, il se mettra en relation avec les collaborateurs, quelles que soient leur responsabilité, leur division et leur zone géographique. L’objectif est de réaliser une analyse détaillée du terrain pour faire remonter toutes les informations nécessaires à la définition du nouveau modèle opérationnel de l’entreprise, adapté à la fois aux nouveaux enjeux mais aussi à la culture de celle-ci. Le changement doit être conduit efficacement mais aussi subtilement. En la matière, aussi compétent qu’il soit, un CEO sous LBO ne pourra réussir sans le support de toutes les équipes.
Les équipes d’abord
Au plus près de lui, un petit groupe doit aussi lui permettre de prendre rapidement (mais sans précipitation) des décisions, parfois audacieuses. Et au sein de cette équipe resserrée, le directeur financier aura une place tout à fait déterminante. Au-delà de sa parfaite maîtrise des chiffres, ce dernier est un véritable partenaire pour le CEO et joue à la fois un rôle d’accélérateur de transformation et de pont entre l'entreprise, le conseil d'administration et les investisseurs auprès desquels il apporte ses compétences techniques et communique régulièrement, précisément. Enfin, c’est aussi lui qui réalise le suivi financier continu et approfondi permettant de s’assurer que les objectifs définis sont bien atteints.
« Cash is key »
Pour autant, un CEO sous LBO (et pas seulement) ne peut évidemment faire l’impasse sur les chiffres et doit connaître les fondamentaux financiers (haut de bilan et bas de bilan) de son entreprise pour en mesurer et en améliorer les performances. Il lui faut se concentrer toutefois sur l’aspect concret, pratico-pratique de ces données. Maîtriser l’état présent de la trésorerie, compte de résultat et cash-flow, mais aussi sa gestion prévisionnelle, est la priorité. De cela dépendront la validation du financement d’initiatives stratégiques et de l’actionnement des leviers de création de valeur. Ajoutons que pour tout CEO, la création d’une réserve de liquidités est en soi déjà un objectif stratégique. La crise sanitaire a révélé de très (trop) nombreux cas d’entreprises en situation de grande fragilité financière faute de matelas de cash disponible.
Collaborer
Et puis il y a le ou les fonds. L’entretien d’une relation de confiance est une condition sine qua non à la réussite d’un projet qui est au bout du compte collectif à plus d’un titre. Mieux vaut donc être prévenu : sous LBO, le rythme et la nature de la gouvernance changent assez drastiquement. Les mots d’ordre deviennent collaboration et transparence.
Il ne s’agit plus de communiquer des comptes une fois par trimestre ou deux fois dans l’année. Pragmatiques, attentifs, impliqués, les nouveaux actionnaires attendront un flux d’informations régulières sur la performance de l’EBITDA, l’évolution de ses prévisions vs. le budget et le business plan. Ils suivront aussi avec attention et en temps quasi-réel les flux de trésorerie, la conduite des projets opérationnels et les opportunités potentielles de croissance externe. Certains fonds souhaiteront aussi être impliqués, ou a minima consultés, par le CEO au moment de définir de nouveaux organigrammes, de réfléchir à de nouvelles initiatives stratégiques. Tout cela, il faudra l’accepter et même l’initier.
Une communication complète et régulière sera donc essentielle. Même si le plan stratégique est en cours de construction, il faudra très rapidement jouer cartes sur table : partager l’information au fil de l’eau, itérer, utiliser ses actionnaires en tant que « sounding board » permettra aussi de les rallier et de faciliter la coopération autour du plan. Echanger, aligner, exécuter.
« To be continued… »
100 jours pour affiner le plan de création de valeur et le faire adopter par tous, voilà l’enjeu majeur d’un CEO sous LBO. Une fois cette étape ultraproductive franchie, ce dernier se trouvera en position de force pour assurer sur le long terme la croissance et le succès de l’entreprise au profit de toutes ses parties prenantes.